Être soi-même jusqu'au bout, montrer son vrai visage, risquer d'être hors des standards du réseau, sont autant de defis que confronte un jeune sans défense face aux exigences, souvent utopiques, de la vie virtuelle. Les réseaux sociaux ont transformé la façon dont les individus interagissent, s'informent et perçoivent le monde qui les entoure ainsi que leurs priorités. Entre divertissements et évasion, ils offrent un échappatoire et il devient difficile de séparer le réel du virtuel. Des vlogs, des mises en scène, des vidéos un peu surréalistes, des photos soigneusement choisies et retouchées dans certains cas, sont offerts quotidiennement à des utilisateurs qui tombent dans le piège qui s'ouvre devant eux : la comparaison, les « et si ». En résumé, la pression sociale, qui d'ailleurs, n'est pas sans conséquences et affecte l'identité et l'estime de soi des utilisateurs.
La pression des réseaux sociaux
La pression sociale est, selon Jacques Janvier Rop's Okoué Edou, l'influence exercée par un groupe sur chacun de ses membres et qui finit par lui imposer des normes dominantes en matière d'attitude et de comportement. Elle prend forme sur les réseaux sociaux à partir de communautés qui se forment pour supporter des personnalités ou des célébrités. Ces communautés suivent des règles préétablies qui, pour la plupart, ont pour objectif de faire mieux paraître les membres de ces communautés. Elles sont assez souvent surréalistes ou ne correspondent guère à la conjoncture socioéconomique du pays.
Ces « personnalités » qui prennent d'assaut les réseaux sociaux à coup de vlogs dans des endroits enchanteurs, de vidéos mettant en scène des situations plus ou moins utopiques et créent chez les jeunes qui les suivent un désir d'être conformes aux normes des réseaux dans une quête éperdue de validation. Cette recherche extrême de validation les pousse à s'exposer à la méchanceté gratuite des réseaux sociaux qui investit assez souvent l'espace des commentaires. Ces commentaires qui sont autant de verdicts ; redressant la courbe d'un sourcil ou, dans les pires des cas, se moquant des handicaps ou des situations économiques.
La représentation de l'identité en ligne
Contrairement à la vie réelle où il est plutôt difficile de s'afficher avec un filtre embellissant ou amincissant, les réseaux sociaux laissent la possibilité de se choisir une identité à coup de filtre, de mensonges ou de mise en scène. Il est nettement plus facile d'être, le temps d'une publication, ce qu'on aurait voulu être et de montrer que ce qu'on veut montrer. Nombre d’utilisateurs tiennent un rôle qui peut parfois être le juste opposé de leur soi réel. Cette manipulation de l'image publique peut renforcer la confiance en soi, mais peut tout aussi conduire à des conflits internes quand la personnalité en ligne diffère de la personnalité réelle.
Cette dissonance peut occasionner un stress psychologique et des sentiments d'aliénation. L'individu peut se perdre entre les deux mondes et entre les deux personnalités. Les gens se créent des alter ego idéalisés qui finissent par les remplacer dans la vie réelle, bousculant au passage l'identité qu'ils s'étaient forgée au préalable.
La validation externe et l'estime de soi
La course effrénée aux likes, aux commentaires et aux partages est une forme de recherche de la validation externe qui n'est pas sans impact sur l'estime de soi. Il y a le risque que l'individu devienne dépendant de cette validation numérique pour se sentir aimé et apprécié. Il calculera sa valeur à partir du nombre de Likes, de partages ou de commentaires que mobilisent ses publications. En outre, l'absence ou l'insuffisance de cette validation peut causer des dégâts sur l'estime de soi de l'individu, menant à un sentiment de rejet ou de dévalorisation.
L'influence des normes de beauté et des stéréotypes
Les communautés virtuelles se choisissent des normes de beauté et des stéréotypes. Elles se forgent des significations de la beauté. Ces normes et stéréotypes véhiculés par les réseaux sociaux comme universels ont également un impact significatif sur la perception de soi. Les filtres de beauté, les photos retouchées et les influenceurs qui projettent des images idéalisées de leur vie peuvent créer des attentes irréalistes, poussant les utilisateurs à percevoir leur propre apparence et leur style de vie comme insuffisants. De nombreux regardent les images diffusées comme des moules sur lesquelles se calquer physiquement, économiquement et idéologiquement. Cela peut causer des troubles de l'image corporelle, de l'anxiété et d'autres problèmes de santé mentale.
Comment les interactions en ligne façonnent la perception des autres ?
En plus d'influencer l'estime de soi, les réseaux sociaux façonnent également la perception des autres. Les interactions en ligne permettent aux utilisateurs de former des jugements basés sur des informations limitées et souvent biaisées. De plus, les algorithmes des réseaux sociaux tendent à renforcer les opinions et croyances existantes, créant des chambres d'écho où les perceptions des autres sont souvent amplifiées ou déformées. Les réseaux sociaux tiennent mieux compte du corps-objet que du corps-sujet et de la différence existant entre les deux, que l'auteur Edou s'active à faire paraître dans son travail sur la pression sociale et l'apparence physique. Le paraître est démesurément pris en compte par rapport à l'être et à ce qui vit au-delà de l'apparence.
Les réseaux sociaux jouent un rôle complexe et parfois paradoxal dans la formation de l'estime de soi et de l'identité. Bien qu'ils offrent des opportunités sans précédent pour la connexion, la communication, la création de liens interpersonnels et l'expression de soi, ils posent également des défis en matière de santé mentale et de bien-être émotionnel. Pour naviguer dans ce paysage numérique, il est crucial de développer une conscience critique de la manière dont ces plateformes influencent notre perception de nous-mêmes et des autres, et de cultiver une estime de soi basée sur des valeurs internes plutôt que sur des validations externes. Il faut, en outre, savoir faire la part entre le réel et le joué et donc pouvoir prendre les commandes du tourbillon d'idéaux qu'offrent les réseaux sociaux.
Auteur : Néhémie Lamarre
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