La corruption est un mal endémique qui handicape le développement de toutes sociétés humaines. Haïti constitue l'un des pays les plus affectés par le dangereux phénomène, qu'est la corruption. Malheureusement, le processus électoral haïtien ne constitue pas une exception face au ravage de ce fléau. En effet, si Haïti est classé parmi les pays les plus pauvres de la planète, pour l'essentiel, son appauvrissement est le fruit d'une instabilité politique chronique, qui elle- même est engendrée par des pratiques électorales basées strictement sur la violence et la corruption.
Démocratie et élection
En milieu démocratique un processus électoral, libre, fortement inclusif, dépourvu de tout soupçon de corruption est un précieux bien qu'une société devrait être en mesure de s'offrir. C'est un bien qui valorise ses citoyens, et augmente la garantie de l'obtention de leurs droits fondamentaux. Car l'élection demeure l'élément pilier de toute société démocratique. Par exemple, aucun type de pouvoir ne peut voir le jour, légalement, en dehors d'élection, au sein d'un régime démocratique. L'origine d'un pouvoir en démocratie, peut être, soit directement lié à la voix du peuple, s'exprimant à travers le vote par suffrage universel (C'est le cas pour le président de la république haïtien, et celui des parlementaires, maires, CASEC, ASEC, et délégué de ville), ou par l'entremise, d'une légitimité populaire reçue de manière indirecte via ceux qui ont reçu mandat directement du peuple. Par exemple, le premier ministre et les ministres qui doivent recevoir le vote du peuple, lors du processus qu'on désigne sous le nom de processus de ratification d'un gouvernement, reçoivent légitimités indirectement, via le canal des parlementaires, directement élu par suffrage universel.
Par ailleurs, le troisième pouvoir constitutif de l'Etat démocratique haïtien, autrement dit, le pouvoir judiciaire, ne constitue pas une exception face à cette règle démocratique sacralisant la légitimité populaire issue des élections. En effet, les prévisions constitutionnelles faitent en ce sens, indiquent que les juges, constituant essentiels de ce troisième pouvoir, doivent eux aussi être nommés sous recommandation de divers assemblées populaires (considérée comme des petites assemblées locales), telles que les assemblées départementales: qui ont pour charge, la désignation d'une liste de citoyens honnêtes et compétents pour occuper la fonction de juges, destinées aux différentes cours d'appels et des Tribunaux de premières instances de la république d'haïti. Et quant aux juges de paix, la désignation de cette liste revient aux assemblées communales. Pour les juges de la cour de cassation, la plus haute juridiction judiciaire d'Haïti, il revient aux parlementaires élus au niveau national de les désigner.
Et pour conclure, le processus de la nomination de ces differents catégories de juges, le choix final de la nomination de ceux-ci, se fera par le président de la république d'Haïti, directement ou indirectement par commission présidentielle. Le tout, à partir des listes désignées par ces différentes assemblées. Bref, tout ça pour vous dire à quel point la légitimité du peuple haïtien, exprimée par l'entremise des joutes électoraux, est un élément incontournable dans la constitution véritable d'une société démocratique haïtienne.
Note de référence: Décentralisation et collectivités téritoriales. P 96, #2; P 99,#4&5 ; Edition lebéréen, Jocelerme Privert
Réalité du processus électoral haïtien
La démocratie participative par l'entremise des élections à suffrage universel direct est le régime politique choisi par le peuple haïtien. L'adoption de la constitution haïtienne de 29 mars 1987, par référendum et amendée le 9 mai 2011 est une preuve qui la démontre. En effet, la déclaration faite en l'article premier de cette dite constitution, décrivant Haïti comme une république indivisible, souveraine, libre et democratique et sociale, en est bien la preuve. La démocratie demande énormément d'investissement pour lutter contre le fléau de la corruption , surtout en matière électorale.
Si théoriquement les lois haïtiennes contiennent des garanties pour la tenue d'un processus électoral haïtien, rempli de bonnes vertus, libres, et cohérentes avec sa mission principale, qui est de faire valoir chaque voix citoyenne haïtienne dans la désignation des dirigeants du pays. Force est de constater que sur le terrain la réalité en est toute autre. Le processus électoral haïtien, à l'opposé de ce qu'il devrait être, est constitué d'irrégularité en tout genre ; Où l'omniprésence de la corruption se laisse voir à l'œil nu. Se manifestant par des pots de vins versés par des candidats à des prétendue autorité au sein du système électoral, par le trafic d'influence exercé par les équipes dirigeantes en place pour tenter d'avantager leurs candidats, ou pire encore, par l'utilisation des fonds issus de sources obscures dans les campagnes électorales, facilitant le blanchiment illicite des avoirs provenant du monde de la criminalité. Le tout, sans oublier la fameuse question d'achat de vote par certains candidats le jour même du srutin, afin de renverser la tendance électoral en leur faveur. Ces exemples sont entre autres un échantillon de la réalité qui est constituée d'autres cas tout aussi graves que ceux susmentionnés.
Note: Constitution haïtienne 1987, chapitre 1.
Piste de solution
Les solutions à apporter face au drame électoral haïtien doivent être sujettes de profondes analyses. En effet, si le problème de la corruption et les impacts négatifs qui le caractérisent sont tout à fait plausibles, la possibilité d'apporter des solutions efficaces, dans le but de les renverser existent également. Les trouver devrait être la première occupation de la société civile haïtienne. Dans le cadre de cet article nous allons tenter d'en énumérer au moins trois :
1) L'éducation civique
L'éducation civique demeure une nécessité absolue pour susciter l'amour de la patrie, le respect de ses symboles et s'investir réellement dans son développement. Car elle suscite le sentiment d'appartenance d'un individu à un bout de territoire, et est à l'origine le plus souvent de tous grands exploits patriotiques. Face au drame électoral haïtien, elle saurait jouer un grand rôle, et devrait être enseignée à la base pour assurer le pays de l'amour futur de ses progénitures. Très certainement, un citoyen "civiquement" bien éduqué fait des meilleurs choix pour lui et pour son pays. Car il en a la capacité.
2) Un Etat responsable, agissant à travers une institution électorale forte
La nécessité de doter l'appareil étatique haïtien de moyens nationaux et de personnalités dignes, compétents et honnêtes n'est plus à démontrer. En effet, nos institutions sont le reflet des gens qui les constituent. En matière électorale, la société haïtienne doit s'assurer d'avoir des gens de ce calibre, et totalement incorruptibles à l'intérieur de son appareil électoral, afin qu'ils puissent bien jouer leurs rôles d'arbitrage en toute honnêteté, transparence et impartialité. Et la création d'un conseil électoral permanent devrait être une priorité, car les différents conseils électoraux provisoires jouent un rôle néfaste dans le processus électoral haïtien, et cela dépend la façon précaire dont ils sont régulièrement constitués.
3) Une justice forte
La justice élève une nation dit t-on dans la bible, cette déclaration se relève parmi les plus cohérente jamais entendu sur la terre. Car la justice et ses nombreuses vertus sont et demeureront des véritables vecteurs favorisant le développement. Dans ses attributions préventives, les autorités judiciaires haïtiennes devraient s'assurer de pouvoir condamner préalablement la corruption et la machine qui la fabrique bien avant sa manifestation sur le terrain, via des lois anti-corruptions adaptées à la réalité électorale haïtienne. Car cela décrirait bien, le châtiment qui attend tous ceux qui s'arrogent le droit de contourner les règles à des fins personnelles et mesquines. Par ailleurs, la justice détient à nos jours, entre ses mains une fonction punitive, agissant après la commission d'une infraction, et qui a pour but de réparer les torts commis par les fautifs, à l'ensemble du reste de la société. Ceci se manifeste par des jugements rendus contre les auteurs, des infractions commises, souverainement jugées et condamnées.
En ajout à tout ça, les législateurs devraient s'assurer de mettre à la disposition de la justice tout un appareillage de dispositions légales, sous forme de lois, prédisant des lourdes peines à ceux impliqués dans des scandales de corruption spécifiquement à l'intérieur du processus électoral haïtien.
En somme, l'omniprésence de la corruption au sein du processus électoral haïtien est un problème majeur, qui a historiquement vu le jour bien avant l'apparution de la période démocratique en Haïti (poste 1986). Si la corruption et les nombreux défis qui la caractérisent sont certes immenses et fort difficiles à contrecarrer à première vue. Ils ne sont pas forcément insurmontables, ni fatals. En effet, des solutions tout à fait valables existent bel et bien pour affronter ce fléau.
Nous pouvons citer à titre d'exemple ; une meilleure éducation civique des citoyens haïtiens, la construction d'une institution électorale forte, indépendante et permanente, telle qu'il est prévu dans la constitution de 1987, le financement national du processus électoral , dans le but d'éviter les ingérences étrangères, et enfin le renforcement de notre armada juridique, afin de pouvoir dissuader les potentiels corrupteurs et corrompus; et lutter efficacement contre le dangereux phénomène de la corruption, jusqu'à le vaincre pour de bon.
Auteur: Moïse François
0 Commentaires