Un peu partout sur le globe, les populations humaines communiquent par le biais de centaines voire des milliers de langues, de dialectes différents. Chaque langue dite officielle ou commune, détient un ensemble de variations linguistiques parfois dues à une émigration ou à une immigration des ressortissants de diverses régions du monde ; parfois même des différents exodes connus et inconnus de l'histoire de l'humanité.
À partir de la création du Créole Haïtien et des dynamiques transformations qu'il a subies, notons que chaque région a gardé un parler local propre, d’une part à cause de l’origine diverse des habitants de la jeune République mais principalement à cause de la scission de la partie ouest de l'île après la mort de l'Empereur immortel Jean-Jacques Dessalines. Cette séparation qui aurait duré 14 années, où au Nord Henri Christophe (1806-1820) érigea un royaume et dans le Sud (actuel Ouest, Sud-Est, Grand Sud, Grande-Anse) Pétion Alexandre se nomma président (1806-1820).
Lorsqu'on rencontre les provinciaux et qu’on les écoute communiquer entre eux ou avec d’autres, on se rend compte assez rapidement que la différence est palpable tant pour l'exclamation que pour l'orthographe d'usage, sans faire fi de la phonétique, en particulier chez les habitants du Nord, Nord-est et le Nord-ouest.
Le langage chantonnant des gens du Cap-Haïtien et de ses environs
Le côté chantonnant du langage des capois avoisine l'anglais, quand on écoute les diphtongues, on se rend compte que côté prononciation il y a une vive similitude entre les deux langues. Tout ceci grâce aux échanges entre les anglais et le roi Henri Christophe au cours de son règne dans le royaume du Nord, lisons un extrait de quelques documents attestant le contact linguistique créolo-angliciste.
"[…]À la mort de Dessalines le 17 octobre 1806, le pays se scinda en deux. Le royaume du nord échut à Henri Christophe, tandis que la république de l’ouest revint au général Alexandre Pétion. Henri Christophe 1806-1820 Officiellement le roi Henri Christophe ne cacha point son faible pour la religion protestante, en particulier l’anglicanisme. Non seulement, il rendit l’anglais obligatoire dans les écoles de son royaume, mais en plus il prit à tâche d’inviter deux pasteurs anglicans à qui il confia la direction de son collège royal[...]"
p.65, Vaudou 101, une spiritualité moderne sans sorcellerie, Dr. Jean Fils-Aimé, Clermont Éditeur, 2023.
Au cours d’une entrevue au collège Adventiste du Cap-Haïtien avec le professeur de sciences sociales M. Rosemond Napoléon, la petite histoire - comme il aime tant le dire - nous rapporte que depuis la période pré-indépendance dans un souci de communiquer lors des échanges commerciaux, les insulaires que ce soient les créoles, les colons ou les marchands-acheteurs venus d’autres régions du globe ont connu ce choc culturel qui a donné notre langue créole principalement dans la zone de Petite Guinée ou Ti Ginen an Créole Haïtien où se tenait l’un des plus grand marché d’esclaves (actuellement rue 11 et 12 au cœur de la ville du Cap-Haitien, le collège Notre-Dame est construit sur ce vestige) différentes nations et ethnies s’y rencontraient. Ce qui, d’après l’enseignant capois, a donné lieu à une acculturation se prolongeant jusqu’à la période postindépendance. Un double impact va implanter ce phénomène d’acculturation un peu plus loin vers 1807 à 1844 où, sous la monarchie d’Henri Christophe, les anglais vont être invités à venir dans le Nord afin d’instruire et d’évangéliser tout le monarcat. Le côté positif selon lui c’est la richesse que représente l’éducation et l’instruction en elles-mêmes, ainsi que l’apprentissage d’une langue étrangère, donc une ouverture vers d’autres horizons. Toujours de son point de vue, le fait de n’avoir pas pris en compte la crise identitaire que peut entraîner une formation qui ne se fait pas dans la langue maternelle de l’apprenant à laisser bien des séquelles qui ne s’évaporeront pas d’un coup de vent. Les principaux lieux où on peut observer l’ancrage de l’anglicisation du créole haïtien dans le Nord ne se trouve pas dans le Cap exactement mais plutôt dans ses environs, où les anglais avaient séjourné, et selon les témoignages la région de Sainte Suzanne est en tête de liste, suivie de Terrier Rouge, Limonade, Limbé, Grande Rivière du Nord, etc.
Au dire du professeur de sciences sociales, ces diphtongues ne se remarquent pas uniquement au niveau de la grammaire par la prononciation de l’article « an » comme dans « peyan m » « papan m » « pyan m » « tantann an m », mais aussi dans les pronoms personnels renforcés tels que « ou li », et également dans les intonations à la fin de certaines phrases du certainement à l'imitation inévitable des élèves et moniteurs de leurs instructeurs étrangers à l’époque postindépendance. Ce phonolecte typique du Nord de la République d’Haïti, témoignant d’un distinguo entre les régions ouest et sud du pays demeure un héritage devenu marque culturelle de la population.
Auteure : MARCKDANY NÉOLIEN
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