Les oubliés de “Biden” : une jeunesse en proie au désespoir

En janvier dernier, lorsque mon oncle m’a demandé la photo de la première page de mon passeport et mon compte gmail, j’ai été persuadée que le paradis frapperait bientôt à ma porte. Parce qu’enfin, je prendrais le large , vers “ la terre de toutes les opportunités”. J’ai mis ma vie en mode “stop”, entre parenthèse , en attente du grand jour. Mais les jours ont passés, les mois et maintenant une année ; je ne peux toujours pas relancer le mode “play”. Je nage entre deux eaux ; d’un côté ; celle de l’optimisme et de l'espoir et de l’autre ; celle d’un réalisme cynique et du fatalisme. Tout en étant consciente que mes chances s'amenuisent de jour en jour, je n’ose pas perdre espoir. Parce que l’espoir , c’est tout ce qu’il me reste.

Un attente destructrice

On connaît tous quelqu’un qui affirmait à qui voulait l’entendre que ces jours en Haïti était comptés ; ceux-là  qui, à peine la fameuse photo envoyée, commençaient à préparer leurs bagages, ceux, qui du jour au lendemain ont abandonné leurs études, leur travail , leur quotidien, leur vie dans l'attente de la “confirmation”. Pourtant, pour grand nombre d’entre eux, cette attente a trop duré. Après une année d'attente, on est au bord de l’épuisement , et la douce euphorie vire au cauchemar.

Le programme Biden a apporté la pagaille dans le cœur et l’esprit d’une nation déjà ébranlée

Il n’est  un secret pour personne que l’atmosphère  du pays devienne de plus en plus asphyxiante. Rien de tel pour booster les ardeurs d’une jeunesse qui a toujours été en transit. Chez nous, partir à l’étranger , c’est un idéal partagé par un grand nombre. A l’annonce du programme américain, on a été légion à y voir la concrétisation d’un  rêve longtemps chéri. L’attente  de la grande confirmation peut plonger les intéressés dans un état d’inactivité ,  destructeur. 

Combien de jeunes  auraient pu faire de grands pas dans leur vie , mais  en ont raté l’occasion  tant ils étaient obnubilés par ce voyage? Combien, ont perdu du temps en s’investissant dans une trop longue attente? Combien sont si déçus qu’ils mettront beaucoup de temps à s’en remettre ? 

Le nouveau programme d’immigration américain,  a beaucoup ébranlé le cœur et l’esprit de la jeunesse. Il est venu exacerbé le trop plein de peines et de frustrations  du peuple haïtien, avec la lueur d’espoir qu’il a laissé entrevoir à certains. Quand on attend depuis une année le fameux mail et que son quartier se trouve assiégé par des gangs, la souffrance et le désespoir  devient plus pesant que jamais . Certaines déceptions brusques et définitives sont souvent meilleures que celles lentes et incertaines qui détruisent de l’intérieur . 

Sans oublier tous ceux qui pour une raison ou une autre ( un travail stable, des études à terminer…)  avaient décidé de ne pas se laisser emporter par la vague déferlante mais qui aujourd’hui commencent à sentir l’aiguillon du regret parce le chaos va crescendo partout dans le pays. 

Cependant, il faudra toujours que certains restent 

L'amour de la patrie et le sentiment d’appartenance semble être, depuis longtemps, inexistant dans le cœur de la jeunesse et tout ce qui reste est l’espoir qu’un jour “Biden lan ap tonbe”. Si sur le plan individuel, ces départs en masse facilités peuvent paraître une aubaine, il n’en demeure pas moins que le pays soit victime d’un fâcheux préjudice. L’éducation , l'économie, et l’avenir entier d’Haïti se trouve hypothéqués, livrés aux caprices d’un destin macabre.

 

Ce qu’on a tendance à oublier dans toute cette précipitation est que tout le monde ne pourra pas partir. Il aura ceux qui partiront mais toutefois ceux qui restent devront s’armer de courage et de volonté pour extirper l’avenir du pays  des ténèbres qui veulent l’engloutir.

À tous ceux qui vont rester, mieux vaut ne pas se laisser entraîner par cette torpeur  et faire ce que l’on à faire parce que la vie, ce n’est rien qu’un battement de cils.

 

 

Auteure : Laveaux L. Djoudelka