Frankétienne n’écrit pas : il crie, il scande, il incendie, il ne cherche pas la beauté policée du style classique, mais l’éclat brut du verbe libéré. Dans le titre "les affres d'un défi" publié en 1979 aux éditions Deschamps, l’auteur dynamite la langue, l’explose, la tord, la réinvente, pour mieux hurler sa révolte contre les carcans sociaux, linguistiques et politiques. Lire Frankétienne, c’est plonger dans un tourbillon syntaxique où la norme se noie, où surgit une nouvelle forme de vérité.
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Entre créole, français et folie-Frankétienne fusionne le créole et le français dans un ballet désarticulé et viscéral. Frankétienne casse les structures, invente des mots, ressuscite des rythmes oraux pour mieux dire l’indicible. Cette hybridation n’est pas gratuite : elle est un acte de résistance culturelle, un crachat flamboyant à la face de l’Académie.
Exemple :
“Le soleil est devenu un fou qui pisse du feu dans les yeux du monde.”
Ici, la métaphore ne cherche pas à plaire, mais à gifler, l’image choque, brûle, dérange. Le style de Frankétienne est un style de combat.La syntaxe éclatée comme miroir du chaos.La ponctuation explose, les phrases se font cyclones, les paragraphes deviennent incantations. L’auteur saborde la linéarité du discours pour refléter l’absurde et le chaos du monde haïtien.
Exemple :
“Et je hurle... hurle... jusqu’à l’éclatement des globes oculaires... jusqu’à la démolition de mes silences enfouis dans l’exemple.
La répétition, l’ellipse, la fragmentation, tout participe à cette montée en transe, le cri devient forme, la douleur devient syntaxe. L’écriture comme acte de défi.
Frankétienne ne veut pas "raconter" : il veut briser, reconstruire, et surtout, déranger. Il écrit pour écorcher l’âme du lecteur, pour réveiller les consciences anesthésiées.
Exemple :
“ J’écris avec le sexe en feu, le cœur au couteau, et l’âme ouverte comme une plaie infectée de rêves.”
Comment rester calme après une phrase pareille ? Chaque mot est un coup de sabre. L’écriture devient geste politique, poétique et viscéralement personnel.
Contre la norme, pour la vérité du cri. Le langage de Frankétienne rejette la clarté académique pour épouser l’intensité émotionnelle. Il ne cherche pas à être compris, il cherche à être ressenti. C’est une écriture qui palpite, qui saigne, qui bouscule.La langue devient une arme et le poète n’est plus un simple écrivain : il est un insurgé de la syntaxe.
Dans Les affres d’un défi, Frankétienne ne se contente pas de repousser les limites du langage : il les pulvérise, son écriture est un cri primal, une tempête linguistique qui fait trembler les colonnes du temple normatif. C’est une révolution poétique, une mise à feu du conformisme littéraire.Et c’est peut-être là, dans cet éclat déchiré, que surgit la vérité la plus nue.
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