La nécessité de repenser la problématique de la sécurité en Haïti


Introduction


Depuis plusieurs années, la société haïtienne fait face à des problèmes de sécurité multidimensionnels et multifactoriels. On assiste à la montée vertigineuse de l'insécurité en Haïti depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Aujourd'hui, l'insécurité est le principal quotidien de la population Haïtienne. En effet, la majorité du territoire de la capitale est contrôlée par des groupes armés sous l'impuissance des autorités haïtiennes. En regardant le niveau d'insécurité du pays dans toutes ses dimensions et ceci depuis des années, on peut affirmer que l'État haïtien est loin de sa principale finalité qui est la sécurité de ses citoyens. Par conséquent, la problématique de la sécurité en Haïti doit être repensée et posée avec minutie et efficacité. Tel est l'objet principal de ce texte.


L'essence de la sécurité


Par définition, la sécurité est l'absence de danger, de menace susceptible.... ou une situation dans laquelle on n'est pas exposé à des événements critiques ou des risques. En d'autres termes, la sécurité peut-être définie comme une absence de contraintes et d'entraves physiques matérielles ou environnementales contre un individu, un groupe d'individus ou son mode de vie ( Keith krauser et Michale Williams). Cette dernière définition nous permet de mettre l'accent sur la diversité, la complexité, l'étendue et la polysémie de la sécurité.


Au-delà de l'approche restrictive, traditionnelle de la sécurité mettant l'accent sur les dangers physiques, les crimes, le territoire, etc... les Nations Unies ont identifié sept composantes de la sécurité humaine : la sécurité économique, alimentaire, sanitaire, environnementale, personnelle, communautaire et politique.


L'Etat et la sécurité


Pour les contractualistes, les théoriciens du contrat social ( Hobbes, Locke et Rousseau) la sécurité est le fondement de l'État. Ce sont les individus( vivant à l'État de nature ) qui donnent naissance à l'Etat pour se protéger et protéger leurs biens. De ce fait, la sécurité est la finalité originelle de l'État. Ainsi, la sécurité demeure la première des obligations de l'Etat envers ses citoyens. Pour Hobbes, si la sécurité n'est pas assurée, les contracteurs ou les citoyens peuvent mettre fin au contrat ou du moins désobéir à l'Etat.


D'autre part, la sécurité est l'une des fonctions régaliennes de l'État à côté de la justice, de création de la monnaie. L'Etat ne peut pas partager cette fonction de sécurité avec des acteurs privés. Même en dehors de ses frontières, l'État continue à protéger ses citoyens en établissant des liens diplomatiques et consulaires avec d'autres Etats. Ce qui montre le rapport existentiel entre l'État et la sécurité. On ne peut pas concevoir la sécurité sans l'État. Et l'État n'y est pas sans la sécurité des citoyens.



En Haïti, on fait face depuis des décennies à la détérioration du rapport entre l'État Haïtien et la sécurité des citoyens. Ce qui nous importe ici, ce sont les causes de l'insécurité en Haïti.


Les causes des problèmes de sécurité en Haïti


Parlons des causes de l'insécurité en Haïti, c'est mettre l'accent sur un ensemble de facteurs qui ont contribué à la détérioration de l'environnement sécuritaire du pays. En dehors des problèmes d'ordres méthodologiques liés à l'appropriation traditionnelle, militaire et simple de la sécurité en Haïti, d'autres facteurs participent à l'aggravation de la situation d'insécurité de la population haïtienne depuis le début du XXe siècle.


L'affaiblissement et le démantèlement des institutions chargées de la sécurité des citoyens entamé vers l'année 1991 est l'un des facteurs contribuant à semer les germes de l'insécurité en Haïti. Il s'agit d'abord de l'utilisation de ces dites institutions à des fins politiques (d'oppression populaire ) contre ceux réclamant le retour du président dès lors par les hommes du coup d'État. Et ensuite, de la destitution de l'armée en 1994 même si le contexte était favorable. Car cette décision se révélait contre sécuritaire vu le poids de l'armée comme garant de l'ordre social et territorial en Haïti. Depuis lors, on assiste à un déficit énorme au niveau des organismes chargés de la sécurité de l'État haitien : les problèmes de la police nationale d'Haïti en sont des preuves concrètes.


La crise politique, sociale et économique du pays est un terroir fertile pour la détérioration du niveau sécuritaire du pays. Etant donné que les conditions des gens des plus défavorisés ne cesse de s'aggraver ; le chômage, la faim, l'absence des prestations sociales vont créer une situation propice pour les gens des principales bidonvilles du pays de prendre le chemin du banditisme pour survivre. Aujourd'hui, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de la pauvreté selon le CNSA. Nous savons bien que les problèmes sociaux et économiques ne sont pas sans conditions sur la situation aujourd'hui.


Le comportement radical de nos hommes politiques et économiques en vue de gagner le pouvoir politique ou de maintenir le statuo économique favorise l'insécurité dans le pays. L'entretien des relations entre les gens de la classe politique et du secteur économique et financier aujourd'hui ne fait que  fortifier et augmenter les groupes armés depuis des années dans le pays. La radicalisation de l'espace politique et économique du pays ne fait qu'empirer la situation du fait qu'elle permet la gangstérisation du pays en soutenant les groupes armés. Ce qui va conduire indubitablement à la supériorité de ces groupes armés par rapport à la police nationale d'Haïti.


Le poids de l'international est considérable dans l'analyse des problèmes de sécurité dans le pays. L'occupation américaine d'Haïti( 1915-1934) a conduit à la détérioration et à l'affaiblissement des institutions républicaines du pays. Les occupants, au lieu de renforcer les organismes de sécurité dans le pays, ont choisi de les utiliser à des fins politiques. D'autre part, le soutien des États-Unis du régime Duvaliériste est de loin un élément incontournable à la mise en place d'une insécurité d'État dans le pays. Plus près de nous, les différentes missions de paix de la prétendue communauté internationale en Haïti n'ont pas réussi à établir la sécurité en Haïti. Au contraire, elles ont assisté à la dégénérescence des institutions démocratiques du pays. La preuve, le BINUH est témoin de l'assassinat d'un président élu dans sa maison.


Conclusion


L'insécurité en Haïti est totale. On la retrouve sous toutes ses formes ( Criminelle et non criminelle): Criminelle, avec la gangstérisation du pays, non criminelle : alimentaire, routière, environnementale, psychologique, économique, sociale, etc...Malgré cela, seul l'aspect criminel retient l'attention des gens aujourd'hui; même les autorités politiques aujourd'hui ne pensent pas encore à mettre en place des politiques publiques liées vraiment à la complexité de l'insécurité. Et ceci est incontournable pour l'amélioration de la situation. Néanmoins, nous devons par ordre de priorité faire face à la montée de la criminalité dans le pays. Il faut endiguer la gangstérisation qui est la partie visible de l'iceberg. Le pays ne doit pas continuer dans cette atmosphère de violences et d'insécurité. Le glas a sonné. Aucun effort ne doit être écarté pour faire face à cet état inhumain où nous sommes aujourd'hui. L'Etat, garant de la sécurité des citoyens et la défense du territoire, doit mettre en place un plan stratégique et efficace visant à résoudre les problèmes liés à la sécurité. Les citoyens ont leur part de responsabilité dans la descente aux enfers du pays. Les citoyens ont aussi leur mot à dire dans le changement souhaité.


Auteur : Pierre Marc-Baptiste 


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