Dans une Haïti minée par l’insécurité, la violence et l’effondrement progressif du tissu social, il devient de plus en plus difficile de trouver un espace sain pour respirer, s’exprimer et simplement exister. Alors que la santé mentale est encore perçue comme un tabou dans de nombreux milieux, Jonathan Tilo SAINT-HILAIRE, étudiant finissant en psychologie à l’Université d’État d’Haïti (Faculté d’Ethnologie), a décidé de ne pas rester les bras croisés. Il a lancé une initiative qui se veut à la fois refuge, espace de partage et moteur d’espoir : le CLUB SANTÉ MENTALE : LE REFUGE DU BIEN-ÊTRE.
Une initiative née d’un chaos intérieur et collectif
Lorsque la violence des gangs a contraint sa faculté à suspendre ses activités, Jonathan Tilo, comme beaucoup d’autres jeunes, s’est retrouvé en pleine crise existentielle. « J’étais émotionnellement K.O. », confie-t-il. Autour de lui, étudiants, amis, voisins… tous semblaient submergés par un mal-être profond. Cette spirale l’a poussé à réfléchir : " et les plus vulnérables dans tout ça ?" "Ceux qui n’ont même pas les mots pour dire leur douleur ?"
C’est ainsi qu’est né, d’abord timidement sous le nom de CLUB SANTÉ MENTALE DE P-V, pour devenir quelques mois plus tard CLUB SANTÉ MENTALE : LE REFUGE DU BIEN-ÊTRE, officiellement rebaptisé le 15 novembre 2024. Ce changement de nom reflète l’ambition d’aller au-delà de Pétion-Ville, de penser l’espace mental et émotionnel comme un besoin fondamental pour tous les Haïtiens, où qu’ils soient.
TiloPSY.ht : Une matrice pour demain
Le club est une cellule vivante à l’intérieur d’un projet plus large baptisé TiloPSY.ht, une plateforme d’avenir à travers laquelle Jonathan Tilo envisage d’orienter ses engagements, ses recherches et ses actions dans le champ de la psychologie. TiloPSY est le noyau, le cœur battant d’une vision où la psychologie se met au service de la société haïtienne, dans toute sa complexité.
Une réponse concrète à une urgence silencieuse
Depuis son lancement officiel le 6 septembre 2024, le club multiplie les activités qui visent à démocratiser la santé mentale, à briser les tabous et surtout, à créer des espaces sécurisés où les gens peuvent respirer, parler, comprendre ce qui se passe en eux.
Parmi les activités phares du club :
1. Les ateliers de gestion du stress
Ces rencontres permettent aux participants de se familiariser avec des techniques de régulation émotionnelle simples et accessibles : respiration consciente, relaxation musculaire, visualisation… Le tout, dans une ambiance conviviale et respectueuse du rythme de chacun.
2. Le Psycho-Ciné
Un concept original qui combine projection de films traitant de troubles mentaux (comme The Son de Florian Zeller, présenté lors du lancement), discussions ouvertes et interventions éducatives. Ce format novateur permet d’aborder des sujets sensibles comme la dépression, le suicide ou les troubles anxieux, tout en facilitant la réflexion collective et la déconstruction des idées reçues.
3. « Bien-être et jeux de société, vivre malgré tout »
Le samedi 29 mars 2025, dans un climat encore lourd de tension et de peur, le club a organisé l’activité «Bien-Être et Jeux de Société », conçue comme un après-midi de respiration émotionnelle au cœur du chaos. Trois temps forts ont rythmé cette rencontre :
• Une phase d’expression libre, où chacun a pu verbaliser ses émotions, ses inquiétudes, mais aussi ses espoirs.
• Un atelier pratique de gestion du stress, pour offrir des outils concrets et utilisables au quotidien.
• Une session de jeux de société, pour renouer avec le rire, la connexion humaine et la joie simple d’être ensemble.
Cet événement a montré à quel point il est possible – et nécessaire – de créer des instants de bien-être dans une réalité étouffante. Il a aussi confirmé une chose : la santé mentale est un droit, pas un luxe.
Une mission qui ne fait que commencer
Pour Jonathan Tilo SAINT-HILAIRE, le CLUB SANTÉ MENTALE : LE REFUGE DU BIEN-ÊTRE est plus qu’un projet d’étudiant. C’est un engagement de vie, qui grandira au rythme de son cheminement dans le domaine de la psychologie. « Ce club m’aide autant qu’il aide les autres. Il est né d’un besoin personnel, mais il a trouvé un écho profond dans ma communauté. C’est une forme d’auto-thérapie que je partage avec ceux qui, comme moi, cherchent un peu de lumière. »
À l’avenir, Jonathan ambitionne d’étendre les actions du club, notamment en allant au-devant des populations les plus exposées aux traumatismes, là où les besoins sont les plus criants. Parce que tant que la santé mentale ne sera pas une priorité en Haïti, il restera debout, avec son équipe, à défendre cet espace-refuge qu’il a construit à coups de courage, d’écoute, de créativité et d’espoir.
Auteure: Jennipher Leï Delmas
0 Commentaires