Droit d’auteur :la protection des œuvres littéraires, scientifiques et artistiques en Haïti à travers le BHDA


La question du droit d’auteur revient souvent sur la table, que ce soit dans les débats entre les experts, mais aussi chez les profanes dans un domaine donné. Sans prétention, cet article vise à répondre à certaines interrogations et à sensibiliser sur un sujet d'importance, sans partialité.



  • Droit d’auteur et utilité

En se basant sur le décret publié en Haïti dans le No 23 du journal le moniteur sur le droit d’auteur, on peut dire que celui-ci consiste en la protection des œuvres littéraires, scientifiques et artistiques qui sont des créations intellectuelles originales telles que : les œuvres exprimées par écrit y compris les programmes d’ordinateur ; les conférences, les allocutions, les sermons, les plaidoiries ; les œuvres musicales avec ou sans paroles ; les œuvres dramatiques et dramatico-musicales comme les chorégraphies, les numéros et tours de cirque ; les œuvres audiovisuelles ; les œuvres graphiques et typographiques y compris les dessins, les peintures, les sculptures, les gravures et lithographies ; les œuvres d’architecture ; les œuvres photographiques et celles réalisées par un procédé analogue à la photographie ; les œuvres des arts appliqués ; les illustrations, les cartes géographiques, les plans, les croquis et les œuvres tridimensionnelles relatives à la géographie, la topographie, l'architecture ou la science.


 De ce fait, le droit d’auteur est d’une utilité capitale, vu que les gens qui produisent ont besoin que leurs œuvres soient protégées et qu’ils puissent vivre de leur production, car matérialiser une idée n’est pas un jeu d’enfant. Cela demande du temps, de l’énergie et beaucoup de sacrifice. 


Malheureusement, il existe des personnes qui, par manque de créativité ou mues par la méchanceté, décident de violer ce droit tant sur le plan économique que sur le plan social. Alors celui-ci devient une aubaine, un idéal à éteindre et une responsabilité d’État. 


Selon un travail assez récent réalisé par un chercheur dénommé Kensley BRUTUS en vue de l’obtention du grade de licencié en Droit à l’UEH sous la direction du Professeur Maxène DORCEAN en 2023 : « Garantir le strict et total respect du Droit d’Auteur comme stimulant pour plus de productions dans le secteur de la création d’œuvres de l’esprit doit retenir l’attention de tout État qui s’engage à faire de la protection des droits humains une réalité. » 


Tout compte fait, lutter pour le droit d’auteur revient à se lancer dans la bataille acharnée des droits les plus élémentaires de la vie, et ce combat, l’auteur ne peut pas le mener seul. L'État devrait prendre son courage à deux mains et se lancer contre tous ceux qui violent ce droit. Sur ce point Mr Brutus de C3 éditions a dit : « Tout État responsable se doit donc de s’impliquer dans la recherche continue de la protection des auteurs et créateurs pour au moins deux raisons. La première s’énonce dans le fait qu’il le ferait en vue d’apporter une certaine harmonisation dans ce qui se fait sur le terrain dans le secteur du Droit d’Auteur. C’est ainsi qu’il devrait s’armer de textes légaux aptes à pouvoir servir de cadre de réglementation. La seconde, c’est parce qu’il en est le premier des concernés et donc a grandement à bénéficier au cas où tous les autres acteurs se sentiraient en sécurité dans le secteur de la production littéraire et artistique. Ce, en admettant que la production d’œuvres de l’esprit enrichit le patrimoine culturel qui n’en demeure pas moins une source de survie pour toute société. »


Naissance d’une bombe à retardement


Avec 32 articles, le 09 mai 2006, le décret sur le droit d’auteur en Haïti est paru dans le chapitre 1 du journal officiel de la République d’Haïti, le Moniteur. Le défunt chef d’État et ancien président de la Cour de cassation, son excellence Monsieur Alexandre BONIFACE, venait de mettre les pendules à l’heure. D’ailleurs, en tant qu’homme de lois avisé et très maligne, il n’a pas demandé à adopter ce décret sans aucune préparation au préalable. Non ! Le président a eu le génie de décréter, le 12 Octobre 2005, la création du Bureau Haïtien du Droit d’Auteur (BHDA) sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication. C’est le 27 avril 2007, sous la direction de Mr Emmanuel Derivois que le bureau est créé par décret avec pour objectifs d'assurer la défense des intérêts matériels et moraux des auteurs et interprètes de créations intellectuelles ; de garantir la protection et l'exploitation des droits des créateurs d'œuvres de l’esprit ; de travailler au regroupement d'auteurs haïtiens ; d'œuvrer pour la professionnalisation des divers secteurs de la création artistique ; de porter les personnes physiques et morales qui utilisent les œuvres des auteurs à travailler à la promotion, à la protection et au respect des droits d'auteurs et des droits voisins. Avec ces deux (2) décrets, les auteurs haïtiens allaient respirer un peu ou du moins devraient arriver à dormir calmement dans leur lit, mais le destin en a jugé autrement. Depuis sa création, on a, certes, assisté à une immense campagne de sensibilisation, la dispensation de cours sur la propriété intellectuelle et des ateliers sur des sujets liés au droit d’auteur, mais les résultats escomptés ne sont toujours pas au rendez-vous. Le BHDA est devenu l’ombre de lui-même, vu qu’il y a une majorité de créateur.rice.s qui ne leur font pas confiance, et une minorité qui se questionne sur la manière dont l’administration est gérée depuis la nomination de  de Mme Emelie Prophète Milcé à la tête de l’institution en 2012.


Violation de droit d’auteur sur internet et le manque d’implication du BHDA


Bon nombre d’auteurs abandonnent leur sphère de créativité ou se sentent frustrés par la violation de leurs œuvres sur les réseaux sociaux, surtout les musiciens, les poètes, les diseurs et les cinéastes. Ces derniers voient leurs créations exploitées sans gêne par des personnes avec qui ils n‘ont eu aucun accord de distribution pour leur compte personnel. Ces gens-là, ils amassent des milliers de likes sur Facebook, TikTok, Instagram voire Youtube, sans donner aucun crédit à l’auteur étant donné qu’ils savent, dur comme fer, qu’en Haïti il n’existe aucune loi protégeant les œuvres sur les réseaux sociaux. De ce fait, ceux qui mettent leurs œuvres en ligne délibérément jouent à un jeu dangereux en exposant ainsi le contenu de leurs créations. Il est vrai que des pages avec des millions de vues peuvent booster l’œuvre du point de vue promotionnel. Le problème ce n’est en aucun cas l’utilisation de l’œuvre, mais la méchanceté de ces pages qui ne créditent pas l’auteur ou taguent la personne qui a passé des jours voire des années à perfectionner sa création. 


Il y a des réseaux qui rémunèrent les contenus avec plusieurs milliers de vues et là encore les auteurs ne perçoivent aucune rémunération alors que leurs œuvres peuvent devenir virales. Le Bureau Haïtien du Droit d’Auteur, représentant officiel de l’État dans ce domaine, n’a jamais lancé une campagne visant à réduire ces violations ou créer un programme de protection de ces contenus exploités en collaboration avec ces réseaux. Que racontai-je ! 

L’équipe administrative n’a même pas eu l’audace de notifier le problème sur leurs propres pages et proposer un texte de loi visant à protéger les œuvres sur les réseaux vu que les pseudo-influenceurs sans scrupules utilisent également des œuvres qui n’ont même pas été publiées en ligne par les auteurs. Certes, pour qu’une œuvre arrive à être sous la protection du bureau, l’auteur doit se débourser, un fonds qui jusqu’ici mérite une enquête approfondie, mais il faudrait avoir un processus légal pour que les auteurs puissent jouir de la protection ou lancer les procédures juridiques pouvant amener à une sanction de l’usurpateur avec dédommagement inclus. D’ailleurs, le bureau ne travaille-t-il pas avec l’OMPI (Organisation Mondiale de la Protection Intellectuelle) ? Sur ce point, Kensley Brutus, directeur d’édition Chez Rasin Éditions, a affirmé : «Certes, Haïti est membre de l’OMPI et coopère avec elle par le moyen d’une institution de gestion collective, en l’occurrence le BHDA. Mais, depuis quelque temps, les auteurs ont, de plus en plus, tout le mal du monde à trouver l’encadrement nécessaire. En ce sens, si avant, s’efforcer à avoir un contrôle sur l’exploitation faite de son œuvre était, tant soit peu, possible, aujourd’hui avec l’aide de l’internet, cela se fait si rapidement et massivement que le mécanisme de protection établi parait caduc ou même inapplicable tant que cette situation devient indomptable.»


Perspective d’avenir


Produire et créer demandent du travail, c’est frustrant pour les auteurs de regarder une personne vivre de leurs œuvres sans qu’aucune loi ou aucune instance ne les protège vraiment, cela pourrait les pousser à la dépression, au déni et à l’anxiété. Pour cela, l’État a le devoir de les protéger ainsi que leurs créations. Le problème du droit d’auteur ne touche pas seulement Haïti, il est présent partout dans le monde surtout avec cette mondialisation créée par Internet, mais beaucoup de pays se sont livrés dans une guerre acharnée contre la violation du droit d’auteur.

 

 Par conséquent, ce sont aux auteurs et aux associations luttant pour les droits humains de faire prendre conscience aux dirigeants concernés qu’ils ont le devoir de mettre en place des programmes de protection et des mécanismes de défense visant à pallier ce problème en Haïti.


Auteur: Romy Jean François Écrivain, Éditeur et Cinéaste PDG Rasin Éditions


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