Aujourd’hui, l’amitié entre deux hommes semble très perturbée. Certains principes et normes de masculinité établis dans l’amitié semblent toxiques. En Haïti, les hommes sont venus avec l’expression « gee gason », qui signifie « vrai homme », ayant pour contraire « homosexuel » ou « homme féminisé ». Elle explique que l’homme doit être dur, fort, dominant en tout temps, surtout dans les moments de faiblesse, sans quoi il se comporterait en homosexuel. Mais cette exigence pourrait aller trop loin ? C’est pourquoi nous en parlons, afin de rechercher la mesure des choses. Est-ce vrai que certains actes sont synonymes d’homosexualité ? Quand est-ce qu’on est un « gee garçon » ? Et quand est-ce qu’on est plongé dans une masculinité toxique ?
Nous allons essayer de réfléchir à ces trois questions, et savoir exactement en quoi l’amitié entre deux hommes est perturbée.
Est-ce vrai que certains actes sont synonymes d’homosexualité?
Les actes qui sont considérés comme homosexuels incluent le fait qu'un homme courtise un autre avec des paroles douces, mais pas immédiatement révélatrices. Il lui offre de petits cadeaux, sort pour s'amuser avec lui et le touche discrètement afin d'éviter toute révélation soudaine.
Un exemple catégorique est difficile à donner, car le contexte de jugement varie. Par exemple, le fait qu'un homme, un matin, interroge un frère sur sa nuit, lui demande ce qu'il fait en ce moment par message texte, ou lui donne un câlin très serré, ne constitue pas automatiquement et nécessairement un acte d'homosexualité. Bien que certains gee gason le perçoivent de cette manière.
C’est souvent dur, voire traumatisant pour un homme de constater qu’un ami est un homosexuel. Il y en a qui l’ont déjà vécu. C’est pourquoi ils détestent se ramollir dans leur amitié afin d’éviter ces mauvaises surprises. Une autre raison pour laquelle ils évitent de se ramollir, c’est pour ne pas être au fil du temps mal barré dans une relation amicale d’homme remplie d’émotions et de sentiments et qui leur fera par la suite douter de leur masculinité. Ils veulent s’assurer que tous ces potes sont des gee, si non, ils s’écartent. Ils ont besoin, à cause de la montée de l’homosexualité, de l’évidence constante de leur masculinité.
Maintenant, il faut comprendre qu’en effet, l’amitié entre deux hommes ne peut être trop sentimentale ni émotionnelle afin d’éviter tout ramollissement qui pourrait mettre en danger la masculinité. Les gee gason haïtiens nous présentent l’image assez bien par l’expression « pen mouye », « pain mouillé » qui pourrait signifier inconsciemment « quelque chose qui se ramollit ». Cette expression est assignée à tout homme qui se comporte en homosexuel.
Quand est-ce qu'on est un gee gason ?
Le gee gason est celui qui conserve son pain, qui ne le mouille pas. Celui qui ne se ramollit pas. Celui qui préserve sa masculinité et sa virilité. Il est aussi un exhibitionniste de sa virilité et masculinité, se montrant dur, fort, capable, stoïque ; l’adversaire symbolique de la montée de l’homosexualité. La « montée de l’homosexualité » signifie que les gays sont beaucoup plus imposants et surnois. Elle signifie aussi l’exhibition homosexuelle, l’affirmation haute et forte, concrète, conséquente et imposante de son homosexualité. Cette dernière est aujourd’hui la cause de l’aggravation des principes et normes de la masculinité.
Si les homosexuels s’imposent, il faut bien que les hétérosexuels s’épargnent, c’est-à-dire qu’ils se différencient et se préservent. Si les homosexuels amollissent la masculinité, il faut bien que les hétérosexuels la durcissent ou du moins la préservent dure. C’est l’essence psychologique inconsciente derrière le gee gason.
Quand est-ce qu’on est plongé dans une masculinité toxique entre amis ?
Ce changement dans l’amitié entre hommes est partout dans le monde. Car de nos jours, l’homosexualité bat son plein et les hommes sont obligés d’être plus stricts dans leur relation amicale, de se différencier, de devenir des gee gason. Mais ce sens strict a tendance à réveiller une masculinité toxique. Par masculinité toxique, on peut voir une influence psychologiquement nocive dans l’idéal de virilité.
Les hommes se donneront-ils un peu trop de mal pour se différencier des homosexuels ? Tous les gee gason sont contre l’homosexualité. Ils ne la tolèrent pas. Et d’une certaine manière, cette intolérance agit dans l’inconscient collectif masculin ; ils commencent à s’exprimer avec prudence et virilité, ils se traitent de plus en plus durs entre eux. Ils sont capables de détecter tous les comportements, actes et pensées qui peuvent se rallier à l’homosexualité. Parfois, ils exagèrent, et en ce sens, la masculinité toxique a lieu de discussion.
Un homme que nous allons appeler Monsieur X a accepté que je partage son histoire. Monsieur X est malade, il souffre de crise épileptique. Alors qu’il participait à une activité, il a eu une crise. Il inquiétait tout le monde. Principalement ceux qui étaient près de lui. Ses potes qui étaient un peu loin ont appris la nouvelle un peu plus tard. Ils étaient venus le voir en groupe et ils se moquaient de lui en disant qu’ils avaient besoin d’attention.
Tout d’abord, il faut reconnaitre le fait qu’ils sont allés le voir comme synonyme d’affection. Une affection contaminée par le phénomène gee gason. Ayant trouvé trop féminin de lui donner un soutien émotionnel, ils préfèrent se moquer de lui.
Pourquoi ce comportement est de la masculinité toxique dans l’amitié entre hommes ? C’est parce que monsieur X pourrait être affecté émotionnellement par ce comportement. En plus, si c’était le cas, puisque dans l’histoire réelle ça l’était pas, je pense que tout comportement qui montrerait que monsieur X ne supporte pas ces moqueries serait vu comme homosexuel.
Monsieur X qui vient de vivre une crise a naturellement besoin de soutien émotionnel. Mais il ne trouvera jamais ce soutien chez ses potes. Pourquoi ? La masculinité et la virilité l’interdisent. On voit rarement les hommes se consoler entre eux. Sinon, s’encourager, se crier dessus positivement, se moquer l’un de l’autre.
Un homme que nous allons appeler cette fois Monsieur Y. Monsieur Y a été largué par sa copine. Ça lui a fait du mal. Un jour, en étant avec ses potes. On lui a posé la question : « Apa tande fanm nan kite w ? » « J’ai entendu dire que ta copine t’a largué ? » Monsieur y a répondu non, que c’est lui qui l’a larguée. Plus tard, en arrivant à la maison sur son lit, tout seul dans le noir, il se laisse couler quelques larmes. Pourquoi il a menti ? S’il disait la vérité, c’est-à-dire, s’il décide d’exposer sa faiblesse, il sait pertinemment qu’il ne sera jamais consolé par ses potes. Encore une fois, le fardeau du gee gason s’impose. Il a pleuré sa rupture amoureuse tout seul dans sa chambre. S’il le faisait devant ses potes, il se comporterait en homosexuel.
La masculinité toxique dans l’amitié entre hommes est l’incapacité de certains hommes à supporter émotionnellement un confrère sans sentir leur masculinité menacée. Instinctivement, les hommes ont toujours tendance à s’exhiber ou d’un autre côté à sécuriser leur masculinité. Ils ont l’impression que le partage des sentiments et émotions trahit leur masculinité ou du moins les féminise. Ils le font rarement. Mais à un certain point, ça devient toxique dans l’amitié entre hommes. Est-ce vraiment comme ça que l’amitié entre hommes doit s’exprimer ? Qui l’approuve et qui ne l’approuve pas ?
Je pense que cette masculinité toxique ne frappe pas tous les hommes en général. Ça dépend de beaucoup de facteurs tels que l’éducation, la personnalité, le cadre de l’amitié sont considérables. Il existe malgré tout des amitiés entre hommes qui se vivent bien, sans masculinité toxique, où il y a soutien et partage émotionnel non stéréotypés d’homosexualité.
Cette analyse sur le phénomène du gee gason conclut qu’il se peut que les hommes ne vivent pas pleinement leur amitié. Ainsi, elle reste et demeure une analyse qui invite les hommes à analyser leur amitié pour savoir de part eux-mêmes s’ils ne sont pas piégés dans une masculinité toxique, ou ce que nous appellerons « le gee gason à l’extrême ».
Auteur : John Kembell Décière
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