"Tout fait avancé doit être prouvé " ce dicton très populaire a certes un sens dans tous les domaines de la vie, toutefois c'est en droit qu'il semble être le plus rationnel et le plus concret. Car la raison revient forcément et justement à la personne qui arrive à prouver son droit et ceci au détriment de celle qui en est incapable. Puisque la preuve est d'une importance capitale dans la vie de tous les jours seulement et simplement dans un esprit de clarté et d'honnêteté, dans cet article nous t'invitons à entrer dans les méandres du droit et découvrir la preuve juridique.
1- Définition de la preuve
Selon le dictionnaire français version numérique, la preuve est ce qui établit la véracité d’une proposition ou d’un fait.
Selon le lexique des termes juridiques de Dalloz, la preuve est dans un sens large, établissement de la réalité d’un fait ou de l’existence d’un acte juridique. Dans un sens plus restreint, procédé utilisé à cette fin (écrit, témoignage…)
2- Actes et faits juridiques
Avant de poursuivre avec les modes de preuve il est essentiel de différencier ces deux notions juridiques : fait et acte juridique.
A- Le fait juridique est tout événement d'où dérivent un ou plusieurs effets de droit. Le fait juridique peut être :
un fait naturel : sans la volonté de l'homme. La mort d'une personne par exemple qui ouvre automatiquement le droit successoral.
un acte volontaire de l'homme : provenant de l'intervention directe de l'homme. On en distingue deux (2) types.
Les faits dont les conséquences civiles ne sont pas voulues par l'auteur ( les délits et les quasi délits)
Les faits dont les conséquences sont voulues par l'auteur. Ce sont les actes juridiques.
B - L'acte juridique. Le terme acte juridique est utilisé dans deux sens qui, plutôt que d'être contradictoires peuvent être complémentaires.
Opération juridique qui équivaut au mot latin " negotium". Il se définit comme tout acte accompli par l'homme en vue de réaliser un ou plusieurs effets de droit.
Écrit probatoire qui correspond au mot latin " instrumentum". Il désigne alors certains écrits notariés ou sous seing privé.
Au final, la question qui se pose c'est de savoir comment prouver un acte et un fait juridique ? Pour faire la preuve des faits juridiques tous les moyens sont bons. Par contre, quand il s'agit de faire la preuve des actes juridiques c'est la loi qui établit tout un système de preuve. Ce système Comprend : L'aveu, le serment, la présomption, le témoignage, les écrits.
3 - Les modes de preuve
A- L'aveu : C'est la reconnaissance par une partie de l'exactitude d'un fait au cours d'une instance en justice. L'aveu peut être extra-judiciaire c'est à dire en dehors du tribunal. Toutefois l'aveu extra-judiciaire verbal n'est pas toujours crédible pour la simple et bonne raison que s'il a été obtenu par la force, la violence ou la fraude au détriment de l'avoué il est nul et sans effet. L'aveu est considéré comme la meilleure des preuves.
B- Le serment : est la promesse ou l'affirmation d'un fait en prenant Dieu à témoin. Il en existe deux types :
1) Le serment décisoire.
C'est quand une partie défi l'autre de sermenter courant le risque de voir l'issu du procès terminé en faveur de celui qui accepte le serment et au détriment de celle qui refuse. Ce type de serment tient lieu d'aveu et contraint le juge de statuer en faveur de la partie qui a sermenté.
2) Le serment supplétoire.
C'est celui qui est déféré par le juge à une partie quelconque quand il n'est pas convaincu des preuves produites ou qu'il veut compenser les insuffisances pour mieux corroborer ses conclusions.
Le serment décisoire est de loin plus fiable et plus crédible que le serment supplétoire. Cependant, le serment, il est prudent de le souligner, n'est plus une preuve fiable comme au temps des Romains ou les hommes redoutaient la justice de Dieu.
C- Les présomptions
En référence à l'article 1134 du Code civil les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu. On distingue deux types de présomptions.
1) La présomption du fait de l'homme.
Elle est laissée à l'appréciation du juge. Ce sont des indices qui facilitent au juge la découverte de la vérité. Cette présomption est dite simple c'est à dire susceptible de preuve contraire. D'ailleurs, c'est en cherchant la vérité que le juge se doit d'agir de présomption en présomption. Ainsi, la preuve est une démonstration de la vérité tant que la preuve de l'inexactitude n'a pas été rapportée.
2) Les présomptions légales.
Elles se basent sur des actes qui font foi tel un jugement. Ce sont de véritables dispenses de preuve. Cette présomption est mise en place quand la preuve directe d'un fait est trop difficile. Par exemple la preuve directe de la propriété est quasiment impossible. Pourtant, ordinairement le propriétaire d'un bien est celui qui le possède. Un Maxime en droit illustre très bien cela d'ailleurs : en fait de meuble possession vaut titre. Du coup, la présomption veut que le possesseur soit le présumé propriétaire. C'est aussi le cas pour la présomption de paternité : le mari de la mère est présumé légalement le père de l'enfant.
Il suffit à ce stade à l'adversaire de faire la preuve contraire : dans le premier exemple montrer son titre de propriété si c'est possible dans le second faire un test ADN. Mais, il arrive que dans certains cas que la preuve contraire ne soit pas admissible, c'est une présomption irréfragable. L'autorité de la chose souverainement jugée interdit à saisir de nouveau un juge. Le jugement devient incontestable.
D- Le témoignage.
Le témoignage est une déclaration faite par une personne sur des faits dont elle a eu personnellement connaissance. Le témoignage est différent de ce qu'on appelle la preuve par commune renommée ( clameur publique) qui consiste à rapporter des faits qu'une personne a su par ouï-dire. Ce mode de preuve est considéré comme suspect en raison de subordination des témoins. Pourtant, le témoignage garde encore une place importante dans le système judiciaire.
E- Les écrits.
C'est de loin le mode de preuve le plus important et le plus courant dans le processus judiciaire. On distingue deux sortes d'écrits. D'Abord ceux qui n'ont pas été rédigé spécialement pour servir de preuve. Ex : des livres, des correspondances... Et ceux qui ont été rédigés à dessein de servir de preuve. Ex : contrat, acte de naissance, de décès... Ce sont " des preuves préconstituées" ou " actes intrumentaires ". Ils se subdivisent en deux parties.
1) les actes authentiques. Selon l'article 1102 du Code civil ce sont des actes qui ont été reçus par un officier public ayant droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé avec les solennités requises. Ces officiers publics sont les notaires.
2) les actes sous seing privé. Ils ont été rédigés par des particuliers, soit par les parties concernées soit par un mandataire. Cet acte n'est soumis à aucune condition de forme ou de rédaction sinon qu'il doit contenir la signature de chacune des parties ; même la date n'est pas obligatoire s'il ne s'agit pas d'un testament olographe.
4 - La charge de la preuve
Maintenant qu'on sait c'est quoi la preuve, qu'on peut faire la différence entre acte et fait de droit et surtout quel mode de preuve utilisé pour chacun d'eux, une question s'impose : sur qui pèse le fardeau de la preuve ? Autrement dit, qui devra fournir ses preuves en premier ?
En règle générale, la charge de la preuve incombe au demandeur selon les prescrits de l'article 1100 du code civil. C'est d'ailleurs ce que traduit l'adage l'adage latin " Actori incumbit probatio". En effet, celui qui réclame l'exécution d'un droit doit le prouver. Ainsi, celui qui demande réparation doit prouver le fait générateur du dommage; celui qui veut annuler un acte doit prouver le vice. En matière pénale, pat exemple c'est au ministère public étant demandeur au procès de prouver les charges apportées contre l'accusé qui lui est défendeur.
Pourtant, il y a des exceptions à cette règle. Par exemple dans une affaire où se joue la présomption de filiation paternel en faveur de l'enfant conçu dans le mariage, c'est le père qui, quoique défendeur au procès doit prouver que l'enfant n'est pas de lui.
Au final, une chose est certaine, que l'on soit demandeur, que l'on soit défendeur l'exigence de prouver est la même. D'ailleurs, par le mécanisme d'alternance la partie défenderesse est appelée elle aussi à être demanderesse une fois que cette dernière ait fini d'apporter sa preuve. Ainsi, on doit toujours prouver. C'est comme un jeu, celui qui n'arrive plus à prouver perd la partie. Mais, en droit c'est un jeu dangereux qui peut coûter à une personne des années de prison, une somme d'argent en dommages et intérêts, une maison, un terrain, une voiture, son honneur, sa carrière etc.
Et si l'on prenait l'habitude dans la vie de tous les jours d'être toujours en mesure de prouver un fait ou un acte ?
Bibliographie
1- Me François Latortue, Cours de droit civil, l'imprimeur 2, 2008.
2- François Ferré, Introduction générale au droit, Dalloz, 2003.
3- Col sous la direction de Serge Guinchard et Thierry Debard, Lexique
des termes juridiques, Dalloz, 2014.
0 Commentaires